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Les freelances dans le viseur du fisc : Une vaste opération de contrôle fiscal en cours




Les services de contrôle de la Direction Générale des Impôts (DGI) ont récemment intensifié leurs efforts pour redresser la situation fiscale de nombreux travailleurs indépendants opérant sous le statut de freelances, de consultants, de prestataires de services et d’auto-entrepreneurs, particulièrement à Casablanca, Rabat et Tanger. Selon le quotidien hespress, ces professionnels ont reçu des notifications les invitant à justifier leurs revenus et à fournir des documents attestant des montants réels perçus au titre d’honoraires, de commissions et de frais de courtage versés par des entreprises clientes.

Un écart entre déclarations et revenus réels

Les inspecteurs du fisc ont détecté des incohérences entre les déclarations fiscales des prestataires de services et celles des entreprises ayant recours à leurs services. Cette disparité a éveillé des soupçons quant à d’éventuelles pratiques d’évasion fiscale. Certains travailleurs indépendants, soumis aux régimes de la Contribution Professionnelle Unique (CPU) et de l’auto-entrepreneuriat, auraient déclaré des revenus inférieurs à la réalité afin d’alléger leur charge fiscale et d’éviter de franchir les seuils imposés par leur statut.

Les autorités fiscales ont ainsi entrepris un audit minutieux des factures et documents comptables des trois dernières années, les confrontant aux déclarations des entreprises clientes. Celles-ci, soucieuses d’éviter elles-mêmes des redressements fiscaux, ont coopéré avec les services de contrôle en fournissant toutes les informations requises, conformément à l’article 151 du Code Général des Impôts (CGI), qui encadre les rémunérations versées aux tiers.

Des fraudes fiscales et des risques pour les entreprises

L’enquête a révélé des irrégularités comptables impliquant des entreprises ayant eu recours aux services de travailleurs indépendants. Dans certains cas, les transactions ont dépassé le seuil de 80 000 dirhams avec des prestataires individuels sans que l’entreprise n’ait appliqué le prélèvement à la source de 30 % prévu par la loi.

Grâce aux données recueillies par le service de gestion de la conformité fiscale des personnes physiques, les autorités ont pu recenser les travailleurs indépendants concernés et examiner leur situation fiscale. Cette vigilance accrue vise à lutter contre un phénomène récurrent : de nombreux prestataires apparaissent sur les radars de l’administration fiscale pour ensuite disparaître sans respecter leurs obligations déclaratives, exposant ainsi les entreprises à des risques fiscaux multiples.

Des auto-entrepreneurs sous surveillance

L’attention du fisc s’est particulièrement portée sur les auto-entrepreneurs qui bénéficient d’un taux d’imposition avantageux de 1 % sur leur chiffre d’affaires, au lieu du 38 % qu’ils devraient normalement payer s’ils étaient imposés en tant que salariés ou travailleurs indépendants classiques.

Le contrôle fiscal a ainsi permis d’identifier des abus où certaines entreprises exploitent ce régime fiscal préférentiel pour employer des prestataires sous un statut indépendant fictif. En réalité, ces travailleurs exercent des fonctions similaires à celles d’un salarié à plein temps, permettant ainsi aux entreprises de contourner les obligations sociales et fiscales liées à l’embauche de salariés (cotisations CNSS, AMO, indemnités de départ, etc.).

Vers un durcissement des contrôles fiscaux ?

Cette opération marque une nouvelle étape dans la lutte contre la fraude fiscale et le travail dissimulé. Elle met en lumière les limites du statut d’auto-entrepreneur, qui, bien que conçu pour favoriser l’entrepreneuriat individuel, est parfois utilisé comme un levier d’optimisation fiscale par certaines entreprises et prestataires.

L’administration fiscale pourrait renforcer ses contrôles dans les mois à venir, notamment en exigeant une meilleure traçabilité des transactions entre entreprises et prestataires de services. Des ajustements du cadre réglementaire pourraient également être envisagés afin de limiter les abus et garantir une plus grande équité fiscale entre les différents statuts professionnels.

En attendant, les freelances concernés devront régulariser leur situation sous peine de sanctions financières et de redressements fiscaux qui pourraient remettre en cause la viabilité de leur activité. Une évolution qui pourrait bien redessiner le paysage du travail indépendant au Maroc.